Fâchés mais pas fachos ?

Fâchés mais pas fachos ?

A la source du fascisme, il y a le pedigree originel, à savoir ses « idéologues », des individu-es qui mettent leurs affects, la haine qu’ils et elles cultivent, au summum d’une philosophie politicienne. Aussi, leurs arguments s’appliquent à être simplistes, réducteurs à souhait, manipulateurs et populistes au paroxysme.

Bien entendu, les personnes « les plus fragiles », exploitées à satiété et subissant une répression sociale par un pouvoir politique aux ordres du capital, se laissent embarquer par des louanges condescendantes et des promesses bien ficelées, et pourtant creuses dans leur contenu – tout du moins celles concernant le revenu social.

Cette « fragilité », qu’elle ait pour origine une pathologie sociale (désindustrialisation, déficit de logements sociaux, précarisation, etc.), une conscience de classe en carence, ou tout simplement, la crainte de tout et n’importe quoi (sauf des fachos), un âge avancé, la peur du lendemain, le néolibéralisme n’en a cure ; son application par Macron et son monde a pour seul objectif la réduction de l’individu à son potentiel de rendement, et donc, à sa non considération citoyenne et producteur-trice de richesse économique, sociale et culturelle.

L’aversion du monde politique

Cependant, même ces plus « modestes » prennent conscience de leur situation socialement délabrée, ou en passe de l’être , abandonnés par la « gauche » de gouvernement, celle justement qui tout en tenant un discours social, aura entériné les volontés néolibérales lorsqu’elle était à la conduite de l’État, pour jeter les travailleureuses par milliers à la rue ou dans la pauvreté, la précarité. Le PS (parti dit socialiste) ne cherche plus depuis une trentaine d’années à restaurer son groupement historique de classe, puisque son électorat ne résiderait plus au sein de la classe ouvrière. Or, cet intérêt politicien ne date pas des « trente glorieuses », mais remonte au XIX° siècle, quand les traîtrises de la « gauche réformiste » ont jalonné les décennies jusqu’à aujourd’hui (à quand un mémorial des traîtrises de classe !).

Au sein de la fachosphère, des petites phrases qui en disent long…

Marine Le Pen à propos de l’IVG : « (…) J’accuse nos gouvernants d’avoir mis en place les conditions d’une immigration massive, anarchique, incontrôlée».

Son père en mai 1987, affirmait : « le sidaïque est contagieux par sa transpiration, sa salive, son contact. C’est une espèce de lépreux ».

Alain Soral : Gauche du travail, droite des valeurs, pour une réconciliation nationale , autrement dit : national-socialisme. Son site donne la parole à toute la fachosphère.

Benito Mussolini en 1932 : « Le fascisme devrait, à juste titre, s’appeler : défense exclusive du Monde des Affaires, puisqu’il s’agit d’une fusion de l’État avec le pouvoir du Monde des affaires ».

Vladimir Poutine en 1999 sur la résistance en Tchétchénie : « Il faut les buter jusque dans les chiottes… »

Donald Trump : « Nous allons créer des emplois. J’ai dit que je serai le plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé. Je le pense vraiment »

Adolf Hitler : « Gagner la masse au relèvement national (…) ne peut être réalisé que par le moyen indirect du relèvement social des ouvriers… »

Conséquence : au XXI° siècle, une majorité de travailleureuses exprime nettement son aversion au mot politique. Constatons cependant que la dépolitisation est inversement proportionnelle à l’appétence pour de nouveaux besoins matériels, le consumérisme étant antagonique au droit du travail. C’est une grande victoire pour le capitalisme d’influer sur les besoins conformistes et technologiques – qui seuls auraient le pouvoir d’accorder le bonheur, qui permettraient que chacun  s’en sorte individuellement, que ce serait une question de chance, de loterie – et de mépriser la question sociale en la ramenant toujours à son  « coût ».

N’entendons-nous pas la presse proclamer une droitisation des travailleureuses dans de nombreux pays du monde et, en même temps, constater une intensification des politicien-nes réactionnaires accédant au pouvoir ?! Les médias mainstream jubilent à casser du sucre sur le dos des diverses composantes de gauche (partis, syndicats, collectifs…) ; on a beau s’en défendre, ce mal s’insinue dans les cerveaux, répétant à l’envi, la théorie du ruissellement de la richesse, la nécessité de travailler plus, la remise au travail des fainéants, des retraités, tout cela servant à la division. Il faut avoir une grande lucidité de classe pour ne pas se laisser embarquer même partiellement par cette désinformation, cette manipulation, la novlangue de cette presse de classe et desdites élites.  

Pourtant, lorsque les « français » sont sondés sur leurs principales préoccupations, force est de constater que celles-ci portent d’abord sur l’emploi, le salaire, le logement, le pouvoir d’achat, des questions de « gauche » en fait. Quant aux questions régaliennes, elle ne sont que secondaires,  toutefois suffisamment amples pour donner du grain à moudre aux nostalgiques du nazisme, du fascisme ou de ses avatars.

Sur son blog, Saïd Bouamama explique : « l’idéalisme est un courant philosophique expliquant le monde par les idées et leurs évolutions. Il s’oppose à un autre courant, le matérialisme, expliquant la réalité par les facteurs matériels et leurs évolutions. Les premiers expliquent la réalité sociale à partir des idées et les seconds expliquent les idées et théories à partir de leurs bases matérielles. Dans l’approche idéaliste du fascisme ce dernier s’explique par l’action d’un homme (Hitler, Mussolini, Pétain, Le Pen…). Il n’y aurait donc aucun intérêt matériel en jeu dans l’avènement du fascisme mais simplement l’action néfaste d’un homme – ou d’une femme – et de ses idées. » D’où l’intérêt de la classe bourgeoise à ne diffuser que des approches idéalistes du fascisme. Ni Macron et consorts, ni le PPA, ne l’expliciteront par les reculs du droit du travail, du droit au logement ou de la précarité – ils seraient très mal placés pour en parler.

Ce faux paradigme programmé, c’est du pain béni pour le RN, qui promet d’agir pour le pouvoir d’achat et le Smic, d’exonérer le patronat, de réduire l’impôt, tout en augmentant les forces de police et de l’armée, de simplifier la justice… Rien sur la politique énergétique, les questions de logement, de l’environnement, ou ses accointances avec le patronat.

La lutte des races versus la lutte des classes

Mais qui sont alors ces électeurs-trices fâché-es ? Des travailleureuses en souffrance, influençables, qui ne comprennent pas le danger d’élire des nationalistes ? Des personnes un peu racistes quand même ou qui se prétendent patriotes, ou des « petites gens » sur-taxés, des traditionalistes qui trouvaient que c’était bien mieux « dans le temps » ? Salarié-es pauvres, chômeur-ses, précaires, cadres, artisans/commerçant-es, industriels ? A contrario des affirmations éditocratiques, il n’y a pas d’électeur type qui pencherait pour le fascisme ou un dérivé, hormis l’idéologue et l’oligarque craignant pour ses dividendes.

Il n’empêche, si les ouvrier-ères et employé-es sont plus nombreux-ses à avoir mis un bulletin dans l’urne pour les fachos, c’est bien contre la politique de Macron. Alors qu’il n’a rien fait durant cinq années pour les territoires où la précarité sévit comme dans certain village du Nord où le scrutin a dévoilé jusqu’à 70 % des voix en faveur de Le Pen.

Examinons deux axes. Primo, depuis l’arrivée de Macron à l’Elysée, les contre-réformes engagées l’ont été au mépris de la contestation, des grèves, des mobilisations nombreuses. Elles ont été décidées au mépris des Gilets Jaunes, qui, dans un silence de plomb des chantres socio-libéraux ont subi une répression terrible; et, pour faire croire qu’il reconnaissaient une certaine légitimité à leurs revendications, a détourné l’appel pour un RIC pour en faire une « vulgaire » convention citoyenne.

Puis, au mépris des droits constitutionnels, il a imposé un passe sanitaire, puis vaccinal, jusqu’à se débarrasser de 15 000 salarié-es de la Santé , là encore, dans un silence assourdissant de la part des représentant-es de la « gôche » et centrales syndicales. Pour l’État, c’est autant de personnels qu’il n’y a pas besoin de virer et qu’il ne remplacera pas !

Secundo, le comportement jupitérien du président, ses insultes à peine voilées, son arrogance, son insolence et sa non-considération – ainsi que celles du gouvernement – envers les classes populaires, ajoutées à un autoritarisme débridé, auront convaincu qu’avec Le Pen à l’Elysée, ce ne pouvait être pire.

Ces électeurs-trices se défendent de voter « nazi » ou fasciste, persuadé-es que Jean Marie ou Marine n’ont pas l’envergure d’un Adolf, et que le passé ne se répète pas. Or, le facho s’adapte aux coutumes libérales d’aujourd’hui : si l’heure n’est plus à porter chemise et cravate noires ou brunes, à marcher au pas de l’oie et au salut césarien, il peut porter jean ou complet trois pièces, écouter du rap, etc. Bref, il et elle ne se différencient pas de l’ensemble des composantes sociales. D’ailleurs, « l’habit ne fait pas le moine » et n’exclut donc pas l’ambition  réactionnaire, liberticide, haineuse, guerrière. Les croix gammés ou les petites phrases qui en disent long (cf encadrés), les « ratonnades » et autres crimes racistes, sont incessants. Le RN intègre la nébuleuse d’extrême droite, les sensibilités qui paraissent diverses et variées (racisme, antisémitisme, suprématisme, nationalisme, expansionnisme, néo-colonialisme, traditionalisme religieux, anti-IVG et anti-LGBT+) dont la finalité réside toujours dans la discrimination, l’exclusion, la violence. Pour l’électeur lambda, ces organisations sont groupusculaires, et ne représentent pas vraiment un danger, on aurait, pourtant, grand tort de minimiser la bête immonde qu’est toute l’extrême droite !

Croix gammées et torches enflammées, une fascination pour le Troisième Reich.

Une soixantaine d’individus ont commémoré douze Français, engagés volontaires au sein de la division Charlemagne de la Waffen SS. Cet « hommage aux morts de Bad Reichenhall » a eu lieu dans la nuit du 14 mai à l’étang de pêche de Sainte-Croix-aux-Mines (68). Sur la boucle Telegram Ouest Casual, spécialisée dans le hooliganisme et l’ultra-droite, les soldats de la division SS sont décrits comme « des héros qui refusèrent d’être fusillés dans le dos et moururent en criant Vive la France ! ». L’événement avait été annoncé sur une autre boucle Telegram à la mi-mars 2022. La Lothringen Division annonçait ainsi un prix de 15 € pour le repas et le concert du groupe de rock néonazi Match retour. À sa tête se trouve Renaud Mannheim, un militant connu de l’extrême droite lyonnaise en lien avec Bastion social ainsi que de Blood and Honour, deux organisations dissoutes par décret en juillet 2019 pour appel à la haine et à la violence. L’un des organisateurs affiche son appartenance à la Lothringen Division sur Facebook. Sa photo de couverture est un cliché du déplacement des hooligans néonazis de Strasbourg Offender à Rennes en novembre 2021.

La stratégie des néonazis pour organiser ce genre de rencontre est désormais bien connue. Ils demandent à louer un terrain ou une salle sans mentionner l’objet de la réunion. Souvent, ils changent le lieu de la réunion pour éviter de susciter la méfiance. « C’est la première fois qu’ils louaient chez nous », indique l’un des responsables de l’association de pêche locale.

La Lorraine voisine fait partie des zones privilégiées par la mouvance Hammerskin néonazie allemande. Comme l’écrit Le Républicain lorrain : « ces groupes s’établissent le plus souvent dans de petites communes rurales afin de ne pas éveiller les soupçons lors des préparatifs ». Le 20 avril 2019, une centaine de néonazis avaient célébré l’anniversaire d’Hitler à Sexey-aux-Forges (54) ainsi que l’avait révélé StreetPress (…)

Source : Rue 89 Strasbourg.

Il y a lieu de se souvenir que le fascisme ne prend son essor comme mouvement de masse que sur le délabrement des structures sociales, plus précisément, sur une crise du capitalisme. Il se présente, à cet effet, comme une alternative au système parlementaire capitaliste dont il dénonce la corruption, alors qu’il en est lui-même le produit. Pour rameuter les fâchés pas encore fachos, il tient un discours en apparence sociale. En fait, comme le libéralisme dont il est issu, il remet à l’honneur le corporatisme, l’alliance-soumission du travail au capital et prétend accélérer le démantèlement des prestations sociales.  Ainsi, pour Le Pen, l’augmentation du pouvoir d’achat passe par la diminution des « charges » sociales, c’est-à-dire des cotisations sociales alimentant la caisse de la Sécurité sociale. A terme, c’est donc, comme le pratique déjà Macron, la programmation, sans le dire, de la diminution, voire la suppression, des prestations de retraite, de maladie, d’accident du travail, etc.

Personne ne naît démocrate ou fasciste. Mais avec un régime politique autoritaire et néolibéral, le prolétariat, qui se sent abandonné par les structures institutionnelles en charge de le défendre et de le protéger, fera ce qu’espère l’extrême droite sans réellement comprendre que le danger est tout d’abord pour lui, la bourgeoisie et le patronat n’ayant pas à s’en inquiéter.

Par ailleurs, pour un pays comme la France, dont l’importance internationale est centrale, un régime d’extrême droite risque bien d’engendrer une guerre civile (qu’elle annonce depuis un certain temps), voire un conflit international. Quel électeur-trice aspire à devoir dénoncer ses voisins, ses collègues de travail ?! A voir son fils, son frère, son compagnon, devoir aller tuer ou se faire tuer, et  de souffrir de la famine ?!

Le repli électoral à « gauche » n’est pas qu’affectif, il est la conséquence de l’incapacité des organisations de « gauche » (partis et syndicats) de prouver aux travailleureuses que leurs intérêts sont toujours les mêmes ! Parallèlement, les libertaires (qui ne participent pas à la mascarade électorale) ne font pas mieux et ils et elles ne croulent pas sous l’affluence des adhérents !

Et foin de populisme, nous sommes toutes et tous responsables, à des degrés divers certes. Comme dit l’adage « Ce n’est pas du bruit  des bottes qu’il convient de s’inquiéter, mais du silence des pantoufles ».

Les travailleureuses qui n’ont pas encore enfilé le costume de la haine mais qui sont à deux doigts de le faire, feraient bien de prendre garde car le train réactionnaire (celui de Macron) cache celui de l’avènement possible du fascisme qui commence toujours par la restriction des libertés collectives, avec des conséquences bien plus dangereuses encore pour la classe ouvrière.

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Jano Celle

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