Attendu depuis fin février avec son deuxième volet (cf PES n°81), ce troisième et dernier volet du sixième rapport présenté ce 4 avril par le Giec, s’estpenché sur les solutions. Après les deux précédents volets, aux conclusions effrayantes, il est plus que temps d’agir, de mettre en place des actions d’adaptation et de diminution de nos émissions de gaz à effet de serre (GES) !
Les auteurs-trices du rapport souhaitaient vivement que ce dernier volet suscite davantage de bruit médiatique et de réactions politiques que les deux premiers. Ils et elles furent un petit peu exaucé-es, vu que durant trois jours la presse (de France) s’en est fait l’écho. Mais depuis… Nada !
Afin de respecter l’Accord de Paris, et de tenter de limiter l’augmentation de la température de 1,5°C, les 195 Etats membres devront chacun – et cela urgemment – développer des politiques drastiques pour réduire fortement les GES. Et c’est là que le bât blesse.
3 ans pour inverser la courbe
En effet, banquiers et extracteurs font exactement l’inverse (cf encart) !
Pillage du bois amazonien, routes de la soie (trains chinois), fermes usines, projets nucléaires civils et militaires, ouvertures de nouvelles mines (notamment de lithium en Bretagne), course à l’extraction d’énergies fossiles, de minéraux, et nombre d’autres projets mortels sont agréés par les autorités partout dans le monde.
Impossible donc en l’état d’inverser la tendance croissante de Co2 et de notre empreinte écologique (1). Pour cela il conviendrait de révolutionner notre mode de consommation et notre mode de production.
Rappelons que le Co2 n’est pas le seul producteur de GES, les engrais de synthèse surproduisent de l’azote, l’élevage en abondance surproduit du méthane, avec le kérosène des dizaines de milliers d’avions lâchent quotidiennement leurs déchets, etc. Pour aller voter au 1er tour, le chef du gouvernement, Jean Castex, a fait l’aller-retour Prades (66)/Vélizy-Villacoublay (78) en jet. Si le transport par route est le plus gros dévastateur de la biosphère, on ne peut laisser dans l’ombre l’ensemble de notre empreinte carbone. De plus, il serait inimaginable de ne s’en tenir qu’à réguler son consumérisme en l’adaptant grâce à de nouvelles combinaisons de matériaux ou en opérant des mutations génétiques, chimiques, numériques, nucléaires, afin de s’autoriser un « consumérisme durable », comme l’expriment les « apprentis sorciers » du greenwashing. La voiture électrique, par exemple, ne sauvera pas la planète (cf encart).
Le gaspillage des matières premières agresse la nature au point qu’elle ne peut se réinventer au rythme de sa temporalité : l’addiction à la viande et à l’agriculture intensive participent à la production de GES et à l’appauvrissement des sols ; la démographie galopante, que d’aucuns n’osent aborder, n’est pas pris en compte par les Etats et les Nations-Unies, les religions l’interdisant ; et la bourgeoisie par les caprices participe allègrement à la destruction des biotopes Le Luxembourg par exemple, paradis fiscal par excellence, voit certaines de ses banques investir dans divers projets « durables » (comme La Fortuna : une société coopérative) avec un taux de 10 % réinvestis, sur 90 % de projets « classiques », libérés de fiscalité.
Les banquiers mentent sur le financement des combustibles fossiles
Malgré leurs promesses de réduction, les plus grandes banques du monde injectent des milliers de milliards dans le pétrole, le gaz et le charbon.
Au cours des six années qui ont suivi l’adoption de l’Accord de Paris (COP 21), les 60 plus grandes banques privées du monde ont financé les combustibles fossiles à hauteur de 4 600 milliards de dollars. Les investissements sont restés au-delà des niveaux de 2016, l’année de la COP de Paris. 60 banques ont canalisé 185,5 Mds/$ rien qu’en 2021 dans les 100 entreprises qui font le maximum pour développer ce secteur industriel.
Le financement des combustibles fossiles est dominé par quatre banques états-uniennes, JPMorgan Chase (JPMC), Citi, Wells Fargo et Bank of America, cumulant un quart de tous les financements de combustibles fossiles identifiés au cours des six dernières années. JPMC reste le pire financeur tandis que Wells Fargo, Mizuho, Mitsubishi UFJ Financial Group et cinq banques canadiennes ont augmenté leurs financements fossiles. Les données révèlent que JPMC a fourni à Gazprom 1,1 Mds$.
Ces banques bénéficiaires sont toutes favorables à l’extraction du pétrole issu des sables bitumineux, du pétrole et du gaz de l’Arctique, à l’exploitation du pétrole et gaz offshore, du pétrole et gaz par fracturation, du gaz naturel liquéfié, des mines de charbon.
le 31 mars 2022 – A l’Encontre.
(1) Les émissions nettes de CO2 égales à zéro correspondent à la situation dans laquelle les émissions anthropiques (causées par les activités humaines) sont compensées par les éliminations anthropiques de CO2 au cours d’une période donnée.
Les dégâts
Ils sont multiples, variés, impactant toute la surface du globe et de son atmosphère, les dégâts causés directement ou indirectement par les humains. Il y a ceux qui ont marqué nos esprits : accidents nucléaires, marées noires, incendies énormes en Australie, en Californie, inondations dévastatrices provoquant tout dernièrement 450 morts en Afrique du Sud et 180 en Allemagne en juillet dernier, canicules et sécheresses à répétition.
Et les dégâts bien moins visibles, voire volontairement occultés : un quart des criquets et grillons menacés d’extinction, disparition de nombreuses espèces d’oiseaux et de l’ensemble des biotopes marins ; les pollinisateurs perdent l’odorat à cause de la pollution et/ou meurent suite aux produits phytosanitaires de synthèse ; extinction des mollusques, des insectes (rappelons-nous toutes ces mouches sur les pare-brises des autos en été auparavant); la faune sauvage est en perdition sur tous les continents ! Arbres et plantes sont malades, dont nombre sont en voie d’extinction suite aux pollutions. C’est l’ensemble des espèces de la faune et de la flore qui est en voie de disparition.
Un 7ème « continent » a vu le jour, celui des bouteilles en plastique qui finissent dans l’estomac des poissons ! 8 000 tonnes de plomb de cartouches (déchets de chasse) parsèment les sols européens ; les rapaces, notamment, au nombre de 55 000, meurent suite au saturnisme.
Micros plastique, particules fines et toxiques, radio activité, Co2… sont disséminés dans l’air, sur les sols, dans l’eau, au point tel que le cancer est aujourd’hui une pathologie aussi ordinaire que la grippe. Sans oublier les dégâts causés par les Dr Folamour dans les labos de big-pharma !
Et puis les dégâts bien visibles mais « obligés », vu que c’est bon pour l’emploi, comme les algues vertes en Bretagne, les boues rouges près de Marseille, les (nombreux) accidents chimiques, les carrières, gravières, éparses, les décharges publiques, toxiques et terriblement polluées (avant que le tri ne s’impose), comme à Mulhouse et à Colmar avec le lindane, les déchets non biodégradables ou radioactifs jetés dans des gravières et des mines abandonnées.
La décharge de Guiyu en Chine est la plus grande décharge de déchets d’équipements électriques et électroniques sur Terre. Une estimation de 2005 note que 150 000 personnes y travaillent pour traiter quotidiennement 100 camions qui déchargent des déchets sur 52 km2. Guiyi est surnommé le Cimetière électronique.
Au Mexique, l’industrie du textile est une véritable catastrophe, les colorants empoisonnent les rivières en multicolore.
Les barrages ont de très nombreux impacts sur l’environnement. Tout d’abord ils bloquent les cours d’eau, provoquent une eutrophisation : une retenue d’eau provoquant une dégradation du milieu aquatique causée par un excès de nutriments (azote et phosphore). Actuellement, la FNSEA propose aux agriculteurs de constituer des « bassines » pour contrer la sécheresse, or c’est tout leur environnement qui en pâtit.
L’industrie du bois au Brésil est telle que la forêt amazonienne ne suffira bientôt plus pour emmagasiner son besoin en humidité, elle risque fort de muter en steppe.
Quant à la forêt française, une loi a beau interdire la coupe à blanc, tous les propriétaires privés n’en font qu‘à leur tête et reçoivent l’accord de l’administration ! Or, si le bois leur appartient (révoltante légalité) la forêt doit rester un bien commun.
En Écosse, le business de la chasse aux cerfs condamne la forêt. Les rats (originaires d’Europe) sont responsables de l’extinction des reptiles en Amérique.
Les plantes invasives comme la renouée de Japon, parmi d’autres, agressent la biodiversité, ces invasions sont produites par l’humain lors de ses voyages ou ceux des marchandises.
La populations aime tant les chats qu’ils sont des multitudes et responsables également de la disparition des oiseaux. Deuxième cause d’extinction d’espèces sur Terre, les invasions biologiques font également payer un lourd tribut à notre santé et à notre économie. Etc.
Comment sont rédigés les rapports du GIEC ?
Depuis sa création, le Giec a dressé six rapports (de 1990 à 2022). Chacun comprend trois volets : les données scientifiques les plus récentes concernant le changement du climat, les impacts de celui-ci sur les écosystèmes régionaux et mondiaux, la stratégie d’atténuation et les solutions possibles.
Contrairement aux idées reçues, le GIEC ne mène aucune étude scientifique, mais se contente de faire la synthèse des recherches récentes en matière de climat. Il peut aussi compléter des études scientifiques par des rapports, des conférences. Il ne fait pas de prévisions mais produit des scénarios d’évolution qui incluent des marges d’incertitude.
Par qui est financé le Giec ?
Institué sous le parrainage des Nations-Unis en 1988 – sous l’impulsion de M. Thatcher (ex-premier ministre du Royaume Uni) et de D. Reagan (ex-président USA), le Giec a un très faible budget d’environ 6 millions €, comparé au budget de MétéoFrance de 400 millions/an ! Il n’a donc pas les moyens de rémunérer les scientifiques participant à ses travaux, il s’agit donc de volontariat. La contribution de la France s’élève à 1 million€, financée par trois ministères : Transition écologique, Affaires étrangères, Recherche. Depuis 2016, le pays finance également le fonctionnement du support technique du groupe de travail sur le changement climatique.
Pour faire face, « la sobriété »
Contrer en quelques trois ans le comportement anthropique de milliards d’individu-es, qui plus est gouvernés par des cupides et des maffieux, c’est pas gagné ! Mais la vie c’est aussi l’espoir.
Le Giec a pondu un guide – un vrai catalogue suivi de plusieurs dizaines de milliers de commentaires – permettant aux Etats de légiférer selon leurs besoins. Pour tenter de freiner les millions de tonnes de GES, les solutions proposés sont répertoriées en cinq grand secteurs : transport, énergie, bâtiment, industrie, agriculture. Est oubliée, la démographie.
Si la technologie est l’outil parfait pour accélérer la destruction de la nature, elle doit l’être également pour la protéger – mais pas n’importe comment – Or, le risque est de donner davantage de pouvoir aux techno-sciences et aux « experts ». Nous pouvons nous adapter aux situations dramatiques imminentes et tenter de freiner le phénomène par des politiques volontaristes. Mais la guerre en Ukraine montre bien la dépendance aux énergies fossiles. C’est donc bien aux pays riches de montrer l’exemple et de permettre une planification, une solidarité avec les plus modestes, d’ici et de là-bas. La sobriété concerne au premier chef la bourgeoisie.
Ce rapport a une durée de vie de cinq ans. En 2027, une nouvelle étude précisera si les actions fortes et sans concession auront bien été engagées ou pas.
L’absurdité de l’auto électrique
Jean-Luc Porquet du Canard Enchaîné publie un article sur l’absurdité des directions « écologiques » dans lesquelles s’est engagée la France.
En ligne de mire, la voiture électrique censée être la solution d’avenir pour sauver la planète en danger. Ce véhicule serait la solution, et surtout, la seule possible pour sauver la planète ! Du coup, l’État s’est engouffré tête baissée dans le tout électrique – sans aucun discernement – pour enjoindre PSA et Renault de tout miser sur l’électrique.
Par conséquent, il convient d’abord d’installer de multiples bornes de recharge le long des routes ; les véhicules les plus performants à l’heure actuelle, ne peuvent prétendre à une autonomie supérieure à 500 km.
Or, le très gros problème écologique et social est la conception des batteries capables de stocker de l’énergie. Aujourd’hui, celles qui équipent les véhicules sont très lourdes, très coûteuses et bourrées de métaux rares. Dans celle de la Tesla Model S par exemple, la plus performante du marché, on ne trouve pas moins de 16 kg de nickel. Mais le nickel est plutôt rare. Ce qui fait dire au patron de Tesla France que « le goulet d’étranglement de la transition énergétique se fera sur le nickel ». L’extraction du nickel en Nouvelle Calédonie et en Indonésie est une vraie galère car on ne le trouve jamais à l’état pur. Dans le minerai, il n’existe qu’en très faible proportion. Par conséquent, il faut creuser et creuser encore, broyer, cribler, hydrocycloner, pour un résultat tout juste à la hauteur des besoins. Tout ce processus entraîne de colossales montagnes de résidus, déversés la plupart du temps dans la mer !
Avec le nickel, il y a aussi le lithium. Son extraction a lieu en Bolivie, au Pérou principalement. Il en faut 15 kg par batterie. Pour l’extraire, on pompe sous les lacs salés asséchés (salars) ce qui entraîne une migration de l’eau douce vers les profondeurs, alors que les autochtones souffrent déjà du manque d’eau !
Et puis, il y a le cobalt : 10 kg par batterie qu’on va chercher au Congo où les enfants creusent à mains nues dans des mines artisanales, pour 2 $/jour. Mais pour concurrencer la Chine – 1er producteur de métaux rares – le travail des enfants, ça reste un détail !!!
Pour couronner le tout, pour réduire le poids des batteries très lourdes, le véhicule est allégé au maximum avec une carrosserie en aluminium, dont l’extraction génère de terribles boues rouges et dont la fabrication nécessite énormément d’électricité du fait du traitement à l’électrolyse. En fin de course, le recyclage de la bagnole est en grande partie impossible.
Mais cher JL. Porquet, dont vos écrits sont toujours d’un grand intérêts écologiques, il ne s’agit ici, non pas de « Kmers Verts » qui prennent telle absurdité pour une révolution écologique, mais des greens washing qui se prétendent écolos.
(1) L’empreinte écologique est une estimation de la surface terrestre nécessaire pour subvenir aux besoins humains. C’est une mesure de la pression qu’exerce l’humain sur la nature. Notre mode de vie nécessite actuellement 1,7 planète pour que notre consommation des ressources soit compensée. Chaque année, est calculé le jour du dépassement, le point à partir duquel l’humanité a consommé les ressources que la Terre peut compenser en une année. En 2017, le jour du dépassement était le 2 août. La Journée internationale de l’empreinte écologique est célébrée le 3 mai. C’est dire si cet avancement est substantiel.
Article paru dans le n°82 de Pour l’émancipation sociale.
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