Initialement prévue au Chili, la 25° conférence sur le climat du 2 au 13 décembre 2019 a déménagé de Santiago du Chili à Madrid en Espagne. Hasard du calendrier, dans le même laps de temps, un mouvement populaire et social historique de contestation et de revendications secouait le pays.
Les chancelleries internationales craignaient-elles des débordements et des exigences environnementales radicales ? Ou,le gouvernement conservateur, sous la présidence de Sebastian Pinera – nostalgique d’un régime révolu (1) – craignait-il de ne pouvoir assurer une conférence sous haute sécurité à sa droite et, dans le même temps, devoir contenir à sa gauche un climat de rébellion ? Ou encore, anticipant un essaim de journalistes présents à cette 25ème, craignait-il de ne plus pouvoir matraquer à sa guise ?
Toujours est-il que COP 25 promise, COP 25 due ! Celle-ci s’est donc tenue dans un Etat ami de longue date, sous la présidence chilienne, avec Carolina Schmidt (ministre de l’environnement) comme prévue initialement.
Promise et due, certes, mais pour quel résultat ? 196 Etats représentés à Madrid, pour conclure la COP par des semi-solutions à la marge des graves enjeux. Quel gâchis ! S’ajoutent aux 195 avions, toute l’organisation, les participant-es, la sécurité, les médias, les victuailles (grands crus compris), et, forcément, le déplacement des centaines de milliers de défenseurs de la nature venus manifester. Bref, une empreinte carbone conséquente pour un investissement refroidi alors que le réchauffement dérègle le climat sans faire de pause. Ajoutons le temps et l’argent perdus.
« Time for action »
S’il y a bien eu un temps pour l’action, celle-ci est surtout perceptible dans un climat de démission. D’abord dans l’UE : avec la présentation du « Green Deal » européen, baptisé le pacte vert, où l’Estonie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, ont fait part de leur opposition. Principalement dépendants du charbon, ces Etats sollicitent davantage d’argent pour effectuer une transition.
Rappelons que la neutralité climatique de l’UE consiste à réduire au moins de 50 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050. Puis à compenser les rejets qui demeurent en accentuant la superficie de puits de carbone naturels (forêts, prairies, etc.). Pour atteindre cette neutralité en 2050, l’UE doit d’abord réduire ses GES de 50 % minimum en 2030, par rapport à 1990. Seuls neuf Etats s’y sont engagés ; si c’est avec la même détermination que celle de la France, on peut se gratter…
Pour l’instant, l’objectif approuvé par les États membres est de 40 %. Il paraît plus prometteur pour la Commission européenne de s’engager pour 2050 que pour 2030… il ne reste en effet que dix ans, autant dire que c’est demain. Un pacte ? quel pacte !
Le Climate Change Performance Index (CCPI) a rendu publique une analyse de la production de GES de 60 Etats signataires, en parallèle de leur application (ou implication?) pour l’investissement des énergies renouvelables et de leur politique environnementale, en fonction de leur engagement lors de l’Accord de Paris (COP 21). Le CCPI donne un score d’effort climatique à chaque pays. Au regard de la synthèse de 14 paramètres, il ressort qu’aucun Etat n’a pris d’engagements suffisants pour respecter l’accord de Paris. Ainsi, aucun pays n’est gratifié dans les trois premières places. Le mieux noté, pour donc la 4ème position, est la Suède, puis vient le Danemark, le Maroc… Le plus mauvais élève est le pays de Donald Trump ! Il est le dernier, derrière l’Australie, l’Arabie Saoudite, le Brésil… La France se place en 18ème position.
Selon le rapport, 31 des 60 Etats ciblés seraient responsables de 90 % des GES. C’est une évidence biblique d’affirmer, qu’avec le comportement des Etats et de leurs populations, l’objectif de la COP 21 pris à Paris ne sera jamais atteint ! Dans le moins pire des cas, la température subira une hausse (moyenne) de 2,8°C d’ici la fin du siècle.
A Madrid, la rigueur intellectuelle et le degré de conscience peuvent aussi voler bas. Exemple : ce sont les plus grands pollueurs qui bloquent : « Les délégations brésilienne et saoudienne veulent interdire l’utilisation officielle du terme urgence climatique » (sic) indique Greenpeace. D’autres refusent de respecter l’accord de Paris au motif que les moins argentés n’apportent pas de pierre à l’édifice (re-sic). Quant à la Chine et à l’Inde, leurs représentants ont signifié ne pas envisager de revoir leurs objectifs à la hausse.
Evitons, ici, la longue litanie en détail des Etats qui s’en foutent…
Les dégâts…
415,64 ppm. Ce chiffre énigmatique exprime le nombre de parties par million (ppm) qui sert d’unité de mesure de la concentration du Co2 dans l’atmosphère ; il conduit à un constat très inquiétant. Ce montant, relevé le 15 mai dernier par l’Agence américaine National Oceanic and Atmospheric Administration, représente un niveau record, supérieur de, respectivement, 3,5 ppm et 25 ppm à ceux enregistrés en 2018 et en 2008. De facto, il sera impossible de ne pas aller en deçà de 450 ppm en 2100, limite pour stabiliser au maximum des 2°C de réchauffement. Dans l’atmosphère, le Co2 naturel et le pollué sont confondus, aussi, les 3,5 ppm & 25 ppm sont fortement significatifs.
12 millions d’hectares (mn ha). C’est la surface des forêts tropicales, les plus riches en termes de biodiversité, qui ont disparu dans le monde en 2018, soit les 4/5 de la surface d’un pays comme le Nicaragua. Si les pertes ne se sont pas accrues, comparée à 2016-2017, la situation n’en est pas moins inquiétante.
Sur ces 12 mn/ha mis à nu, près d’un tiers étaient des forêts primaires. Ce trou béant, équivalent à la Belgique, est largement imputable au Brésil où plus de 1,3 mn/ha de forêt amazonienne ont disparu en 2018. Et il faut envisager le pire avec l’arrivée de Jair Bolsonaro aux affaires. La déforestation est en hausse de 29,5 %. A noter que le massif du bassin du Congo, le troisième poumon vert de la planète, est, lui aussi, largement « grignoté ». En 2018, la République Démocratique du Congo, avec près d’un demi mn d’ha de forêt en moins, talonne le Brésil.
Le réchauffement climatique est porteur d’effets abyssaux sur la biodiversité, même s’il n’est pas le seul responsable de son érosion qui s’annonce massive. D’un demi-million à un million d’espèces (faune & flore) risquent l’extinction pour les prochaines décennies, ont averti, en mai dernier, les experts de l’IPBES (la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques).
Mais business & perfidie font la paire : selon l’Agence internationale pour l’énergie (AIE), les estimations concernant le pétrole, le gaz et l’électricité produite à partir de combustibles fossiles ont toutes considérablement augmenté. Avec 400 milliards de dollars de subventions, le pétrole est redevenu l’an passé le support d’énergie le plus subventionné au monde : un tiers de plus qu’en 2017.
En Australie, où les 49°C seront très bientôt une banalité, les feux ravagent des millions d’hectares de forêts et de prairies, du jamais vu à cette échelle ! Ce processus de désertification fulgurant aurait déjà fait disparaître plus d’un milliard d’animaux : kangourous, marsupilamis, koalas, oiseaux, etc. Il est strictement impossible, même avec la meilleure volonté organisationnelle, technique et budgétaire, de rendre à la nature ce qu’elle aura perdu à la fin de ces incendies, d’autant que les températures vont grimper année après année.
La COP 26 sera t-elle un peu plus volontariste, rien n’est moins sur, tout dépend de la quantité des catastrophes et de leurs conséquences pour cette nouvelle année. Or un conflit guerrier à grande échelle se fait menaçant ; s’il se réalisait, le grand effondrement ne serait plus un « fantasme » de quelques « illuminés ».
En parallèle, si les plus inquiets lorgnent vers le ciel, les pesticides de synthèses ont encore de beaux jours devant eux ; cette question n’est pas marginalisée, mais carrément ignorée. Le mot démocratie sonne creux, il est aujourd’hui l’opportunité pour ne rien faire qui ne rapporte en monnaie sonnante et trébuchante.
JC. le 08/01/20.
Source : en ligne.
(1) Sebastián Piñera, élève d’Augusto Pinochet, tristement célèbre par son coup d’État du 11 septembre 1973, puis à la tête du pays jusqu’en 1990.
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