Le capitalisme se fonde sur la valeur d’échange de biens, de profits, au détriment notamment de la valeur d’usage, avec pour carburant le productivisme. Le capitalisme marchandise absolument tout ce qui est possible de marchandiser. Il ne se soucie jamais des conséquences de son action sur l’environnement ou sur les individus. Ce n’est pas dans sa nature. Atténuer sa soif de profit serait pour lui suicidaire, aussi il est illusoire de s’attarder sur un capitalisme vert ; le capitalisme est inconciliable avec l’écologie. Ajoutons que l’augmentation des profits bute sur la limitation des ressources de la nature.
L’écosocialisme, étymologiquement, est un néologisme construit par la juxtaposition de écologie – ensemble de l’étude des rapports de l’homme et de son environnement – et de socialisme, de ses expressions multiples…,pour désigner une doctrine politique associant à la fois les idéaux écologistes et socialistes. L’écosocialisme dénonce la marchandisation de la nature ; aucune possibilité de régulation du capitalisme n’est possible, et même si elle l’était, elle ne permettrait pas de protéger réellement l’environnement. C’est-à-dire que l’activité humaine marque son environnement, exemple des industriels, avec leur droit à polluer contre des points, et de leurs trafics conséquents, ou de l’hypocrite greenwashing, ou encore selon la dénomination un green-new-deal.
Omission de l’Histoire
L’émancipation des travailleureuses ne peut être accomplie grâce à la croissance capitaliste, fusse-t-elle capable de nouveaux records. D’ailleurs, l’écosystème ne le supporte(rait) plus. Ce constat nécessite de revoir en profondeur toute la théorie anticapitaliste, ce que certains intellectuels ont déjà manifesté depuis quelques années (1). Nous pouvons même remonter au XIX° siècle, à l’époque où l’on ne connaissait pas le terme écologiste, les respectueux-ses et amoureux-ses de la nature étaient naturalistes ou critiques envers le capitalisme. (cf encart).
Pouréviter une confusion : l’écosocialisme n’est pas une fusion entre tendance politicien-nes écolos (barbotant entre la droite et la gauche) et socialos (type PS de droite). Ce récent courant politico-philosophique n’est pas homogène. Des sensibilités des divers héritages marxistes et, ou libertaires, s’y côtoient. Il s’agit de transformer le système de production et d’échanges, de planification d’un nouveau genre se fondant sur la valeur d’usage pour se débarrasser du productivisme et de la croissance, cantonnée à des critères purement mercantiles.
De l’alerte, à ses interprétations…
En octobre 2018, le CIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) alertait : le monde a 12 ans pour éviter une catastrophe climatique ! Si cet avertissement a sensibilisé une partie de l’opinion publique, l’activisme international pour le climat, notamment sous la forme lancée par Greta Thunberg, n’aura influencé significativement ni le marché, ni les lignes politico-économiques des Etats et des institutions internationales (Banque Mondiale, FMI, Nations-Unies, OCDE…). Ses actions, tant soi peu médiatisées, restent sporadiques ; il en faut plus pour impressionner les classes dirigeantes.
Par ailleurs, si l’alerte a été « entendue », elle aura également été interprétée de diverses façons, selon qu’on soit écologiste, « ouvriériste », jeune, « paranoïaque », politicien-ne, ou investisseur-e.
Cette durée de douze ans ne bénéficiera pas à la planète, 12 ans c’est très loin pour des élu-es : trois mandats présidentiels aux États-Unis, deux mandats parlementaires en France et dans de nombreux autres pays. Quel chef d’État est prêt à être « flagellé » par sa bourgeoisie, ou par ses consuméristes, après avoir imposé des restrictions de consommation énergétique, d’objets ou de services non essentiels ?
Quelles interprétations en font les directions des compagnies pétrolières, gazières, ou automobiles, de la chimie, de l’agriculture intensive, de l’armement ? Elles, qui redoublent d’efforts et affirment que la croissance est l’unique, et qu’il ne peut en être autrement. Ce serait d’ailleurs à l’opposé des primes « méritocratiques » (retraite chapeau, parachute doré, stock-option, etc.) que s’octroient tous ces mandaté-es. Malgré les nombreuses mises en garde, aucun des sommets mondiaux sur le climat ne produit des objectifs ou des actions essentielles pour faire face à l’urgence climatique.
A l’opposé du simulacre, beaucoup de personnes, et notamment des jeunes, ont compris que l’alerte signifiait qu’il ne reste que douze ans pour empêcher l’effondrement de la civilisation.
Evidemment, en 2030, ce ne sera pas la fin du monde.
… à un autisme volontaire
Le rapport du GIEC ne s’arc-boute pas sur un processus collapsologique, sur une extinction rapide de l’humanité, mais sur des nécessités permettant de limiter – selon ses termes – le réchauffement climatique à 1,5°C supérieur du niveau préindustriel, et sur les effets probables d’un réchauffement de 2°C. Extrait : « On estime que les activités humaines ont provoqué un réchauffement de la planète d’environ 1°C par rapport aux niveaux préindustriels, avec une fourchette de 0,8°C à 1,2°C. Ce réchauffement devrait atteindre 1°C entre 2030 et 2052, si ça progression suit le rythme actuel ». Ajoutant : Les risques liés au climat pour la santé, les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, l’approvisionnement en eau, la sécurité humaine et la croissance économique devraient augmenter avec un réchauffement de 1,5 °C et s’accentuer encore avec 2°C».
Il est également essentiel de rappeler que l’empreinte écologique favorisant l’effet de serre et donc le dérèglement climatique a également pour origine la chimie (pesticides et engrais de synthèse notamment) ; les pots d’échappement ne sont pas les seuls responsables.
Avec la première révolution industrielle du XIX° siècle, concrétisée par la production du fer, du charbon, du textile notamment, le patronat usait jusqu’à la corde la santé et l’existence des travailleureuses (enfants compris). Le profit est à ce prix ! Les salarié-es et leur famille, parqués dans les cités ouvrières, tombèrent malades à en crever, suite aux poussières industrielles, aux conditions de travail insalubres, nocives, dissolvantes, méphitiques et dangereuses. Sans omettre les salaires de misère, ne permettant pas d’aller trouver un médecin ; tomber malade, et hop, viré-e du jour au lendemain.
Ils et elles furent cependant nombreux-ses (pas suffisamment certes) à dénoncer ses nouvelles industries qui polluent l’air, les rivières. Citons, pêle-mêle, Charles Fourrier (prophète de la destruction de la planète), Flora Tristan, Victor Considérant, Elisée Reclus, Pierre Propotkine, Jules Michelet, Alexis De Tocqueville, Auguste Blanqui, Karl Marx, Friedrich Engels, John Ruskin, William Morris, Henri Thoreau, et tant d’autres… dénonçant les diverses pollutions dues à la saleté industrielle.
Constatons malheureusement, que les effets de ce dérèglement se produisent à un rythme plus rapide que la prévision du GIEC. C’est que celui-ci minimise l’impact des prévisions vu que sa méthode nécessite le consensus de milliers de scientifiques, dont les origines géographiques, politiques, scientifiques, sont plurielles.
Par ailleurs, l’on ne peut que constater que Total, qui exploite le plus grand champ gazier offshore du Myanmar ; continue d’alimenter en revenus le régime militaire .
Le 7 février, Macron fanfaronnait, dans un tweet : « La France a baissé ses émissions de gaz à effet de serre en 2019 de -1,7%. C’est au-delà de notre objectif ! C’est le résultat d’une écologie du concret et du progrès. C’est le fruit de nos efforts à tous. Avec la loi climat, préparée avec vous, nous allons encore l’accélérer ». Accélérer à reculons, en effet : La Convention climat qui s’est tenue entre octobre 2019 et juin 2020 a élaboré 149 propositions… Avec le projet de Loi climat, il n’en restera que peau de chagrin une fois cette loi votée.
Officiellement, « nos » entreprises ainsi que « notre » modèle agricole sont à protéger : c’est ainsi que le ministre délégué aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, défendant le greenwashing des grandes entreprises, déclarait « Au momentoù il y a un mouvement anti-avion, vous avez la réponse d’Airbus qui invente l’avion à hydrogène. Je crois que c’est la meilleure réponse à l’aviation bashing qu’on a observé maintenant depuis plusieurs mois ». Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, rajoutait : « Je refuse de détruire des pans entiers de l’agriculture au nom de l’écologie de l’injonction si cela nous amène à remplacer notre production par des produits arrivant de pays dont les normes environnementales sont bien moindres ».
Tout est dit ! Le baratin conservateur avec œillères pour ne pas voir, mais agir pour « l’intérêt général » masque piteusement la réalité : le seul intérêt commun est l’entre soi des industriels, responsables politiques et de la haute administration. Aussi, quelle que soit la dénomination nouvelle que formulent les tenants du capital, elle doit toujours être prise avec défiance. Exemple avec la « croissance verte » : comprenons, « croissance économique durable, respectueuse de l’environnement ». Or la seule véritable durabilité réside dans la sauvegarde et le renforcement du système. C’est ce qu’ont bien compris les Groenlandais-es, en rejetant, lors des élections législatives d’avril dernier, le projet extractiviste proposé par le parti social-démocrate (au pouvoir depuis des décennies) face à un jeune parti de la gauche écologiste, vainqueur avec plus de 60 % des suffrages.
Et maintenant ?
Sur le vieux continent, l’affirmation selon laquelle il n’y aurait pas assez de temps pour exproprier le capitalisme, est déjà vieille dans le mouvement écologiste. Voilà trente ans que ce consensus perdure dans ce mouvement hétérogène, ce qui ravit les nombreux-ses écologistes pro-capitalistes (notamment ministrables…).
Or, la situation climatique est aujourd’hui telle, qu’un pan croissant de la population mondiale prend très au sérieux les catastrophes (sécheresses, incendies, inondations, ouragans, migrations…) qui vont se succéder et se multiplier…
De plus, l’aggravation s’accompagne d’une crise environnementale plus large (mille et une pollutions), d’une crise économique plus profonde et récurrente, d’une explosion de la pauvreté, d’une crise sanitaire globale, et d’une tension géopolitique et militaire internationale accrue, exacerbant l’affect de milliards de personnes. Les conséquences sont désastreuses, rigidité identitaire, conservatisme et obscurantisme. Bref, le dérèglement du climat va s’accentuer, et produire des révoltes un peu partout dans le monde.
En parallèle de la crise climatique, nous voyons des révoltes partout depuis dix ans (Algérie, Birmanie, Chili, Egypte, Espagne, Etats-Unis, Tunisie, France, Liban, Nicaragua, Soudan, Syrie, etc. Ajoutons, la recrudescence des très nombreuses grèves et luttes sociales également sur tous les continents, et une augmentation des mobilisations pour le climat.
Une seule solution
Une révolution internationale ? Reconnaissons que sa plausibilité paraît clairement improbable. Or, sa potentialité est énorme. Dans le monde globalisé, les révoltes peuvent se propager à l’échelle internationale avec une portée et une rapidité surprenante. Les luttes sociales seront à court terme innombrables dans le monde, elles se manifesteront aussi sur les questions écologiques, comme en Amérique Latine (Pérou, Bolivie, Mexique, Brésil…), en Inde et dans les Etats du Nord.
Un renforcement spectaculaire d’une des crises (citées ci-dessus) pourrait produire un effet domino sur les autres, ce qui va exacerberait la lutte des classes. De plus, le dérèglement climatique s’aggravant, va accroître le nombre de réfugié-es, tout comme les tensions politiques et la pauvreté. Aussi, cette lutte de classe doit prendre un nouvel élan, indispensable, pour la simple et bonne raison que le capitalisme va soutenir davantage l’option autoritaire/fasciste, afin de sécuriser son système et ses profits.
Cette option, que nous redoutons par expérience (celle de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal, du Chili, ou de la Grèce, et d’ailleurs…) est tangible. Si les soulèvements populaires pour la démocratie, le climat, les droits sociaux, chutent, le danger fasciste s’accentuera, quelle que soit l’option des luttes, révolutionnaire ou réformistes.
Or, si le fascisme est incapable de mettre un terme au réchauffement du climat, il en sera davantage barbare…
L’idéal est que le peuple des travailleureuses se réveille, se lève, se rebelle, pour mettre à bas le capitalisme. Pour amorcer le processus, mettre en cause le mode de reproduction du capitalisme, dilapider et redistribuer les possessions que la bourgeoisie s’est octroyée, il faudrait que la solidarité entre tous et toutes à travers le monde en lutte soit effective, bref, que les peuples soient altruistes. Enfin, qu’ils participent activement à la planification écosocialiste. Il faut tendre vers cet idéal. Rappelons que pour des révolutionnaires sérieux-ses (Marx et Engels, Rosa Luxembourg, Fernand Pelloutier…), la lutte pour la révolution n’est opposée à la lutte pour les réformes sur aucun sujet. La révolution est d’abord quelque chose qui émerge du combat pour des revendications concrètes.
En France, il est évident que la classe ouvrière doit prendre en compte ses deux mamelles que sont Ecologie et Socialisme pour la critique du capitalisme, ce qui n’est pas gagné d’avance ; notamment dans certains syndicats, en tant que travailleureuse on a un peu de mal à comprendre son intérêt pour la planète. Mais la même difficulté réside aussi dans le mouvement écologiste, si des structures appellent à changer de système et non de climat, cette revendicationreste cantonnée à un slogan ; la participation populaire, inter-classiste dans les manifestations écologiques exige avant tout et principalement une politique en accord avec les principes élaborés lors de la COP 21, ne laissant aucune place à des revendications d’ordre social, si l’on peut constater une vive critique du néolibéralisme, mais non du capitalisme.
De plus, les coalitions rouge-verte-rose sont fondées sur une stratégie électorale. Ces tentatives de convergences restent donc un vœu pieux. Cela évoluera peut-être, le plus tôt sera le mieux !
La classe dirigeante capitaliste ne quittera pas, ni dans un pays, ni au niveau international, la scène, c’est-à-dire qu’elle ne renoncera pas à son pouvoir au prétexte d’une victoire électorale « socialiste » ou écologiste. Elle exercera toute sa puissance économique : « grèves » d’investissement, fuite des capitaux, attaques monétaires spéculatives, refus d’emprunt, etc. Elle exercera son hégémonie sociale et idéologique, en particulier par le biais du PPA et par son contrôle sur l’État pour mettre au pas un gouvernement « socialiste » (exemple de la Grèce, agressée par la troïka) ou pour le détruire. Ce bousillage ne pourra être empêché et surmonté que par la mobilisation révolutionnaire des classes populaires.
Les luttes pourraient s’intensifier à mesure que le monde se rapprochera du seuil de 1,5ºC. Il est plus que temps d’articuler sur l’ensemble du champ social, l’aspiration pour un monde fraternel œuvrant pour une existence de paix, de bonheur social et de l’extinction des capitalocènes.
Dernière heure : ce 22 avril, Jo Biden, président des Etats-uniens organise pour deux jours un sommet mondial sur le climat. 44 pays ont répondu présents. En conclusion : ils/elles se sont toustes promis de limiter le réchauffement climatique de 1,5°C, non pas pour 2030 mais pour 2100 ! Voilà pour le green-new-deal. Quel chef d’État sera encore en poste en 2100 ?!
Source : A l’encontre, Iresmo…
(1) Parmi les théoriciens, Mickaël Lowy, Murray Bookchin, André Gorz, John Molyneux, Cornelius Castoradis…
Article paru dans le n° 72 – avril 21 – de la revue PES (Pour l’émancipation sociale)
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